Au risque de paraître folle, je viens
d'arrêter la thérapie ciblée. Le traitement que j’aurai dû prendre à vie pour
me sauver la vie.
Un nouveau traitement au Canada
depuis 2015 pour le mélanome avancé. Tsé, le cancer de la peau le plus meurtrier.*
Tsé la chanceuse !
Un traitement à moyen-très long terme
qui ne semble pas se terminer. J’avais déjà demandé à l’oncologue d’arrêter ou
au moins de prendre des pauses. Parce que c’est souffrant, cette potion magique
! Surtout quand y’a plus de trace de cancer dans ton corps… Mais elle ne
voulait pas. Même si c’est moi qui donne le dernier mot, je lui laisse quand
même le premier choix – conseil médical. C’est elle (et son équipe) la pro.
Mais y’a un boutte à toutte.
Après 11 mois de traitement, j’en ai
plein mon truck !
Pu capable. Fuck it
D’la marde, moé, j’décroche.
Y’a un boutte à toutte. Là, chu tannée
de souffrir pour allonger ma vie. La fille qui survit ne ressemble à pas
grand-chose de la fille d’avant. Mais que suis-je devenue ? Un fantôme
peut-être, ou même un zombie… une survivante ! c’est le bon mot. Tsé maganée
comme après un grand choc. J’avais même pas l’air de t’ça en revenant
d’Afghanistan !
Tannée de me cacher su soleil, de
dormir 14 heures par jour, de ne pas avoir de concentration, d'être tellement fatiguée
que ça s’appelle même plus de la fatigue, d'être obligée d'ajouter toujours
plus de médicaments, de vouloir mourir, de vouloir frapper, crier sans en avoir
l’énergie, de ne plus me supporter, ni de ne plus supporter les miens, de
n’avoir plus la force de rien. Tsé quand même lire est trop fatiguant !
Tannée de réagir à la crème solaire,
de porter des manches longues en plein été même quand y’a des nuages, d’en
avoir peur de sortir, tannée de prendre des stimulants pour me réveiller, de
prendre des relaxants pour dormir, de prendre des substances pour pouvoir
réaliser quelque chose dans ma journée aussi simple que faire la vaisselle.
Tannée de me trouver laide dans le miroir, parce que le médicament, il m’enfle.
Tannée d’augmenter les doses des autres médicaments, parce que le traitement,
il annule tous leurs effets !
Tsé, de la grosse marde.
Faque, j’ai fait une femme de
moi-même. On s’entend que c’était en période de crise. On ne prend pas ce genre
de décision parce que tout va bien. Oh. Que. Non. Et un bon matin, plutôt un
après-midi après un groupe de soutien qui me donne des arguments pour ne pas
lâcher « tu ne peux pas faire ça à ton fils! », j’ai pris ma
décision. Ce n’est pas vrai qu’on allait encore me dire quoi faire !
La seule chose que j’ai en tête, à ce
moment-là, c’est que ma vie n’est pas une vie. À la limite, ce n’est même pas
de la survie. C’est de l’acharnement.
Tout ça pour quoi ?
Quelques mois; peut-être quelques
années; pour ne pas faire de mon fils un orphelin; pour ne pas laisser tomber
mon amoureux, ni ma mère; pour la science; pour l’espoir ? L’espoir de quoi, je
vous le demande ! Et ne me parlez pas de l’attente d’un nouveau traitement.
J’en ai mon truck des poisons !
Ben, je dois vous dire qu’il n’y
avait plus aucun argument pour me retenir. J’étais rendue au point de trouver
la corde et de l’attacher moi-même à une solive assez solide de mon sous-sol.
J’en étais trop proche. Et tant qu’à être dans éviter de traumatiser l’enfant…
la pendaison n’était pas tellement l’option idéale !
Faque, j’ai tourné
ça dans tous les sens. Jusqu’au jour où j’ai décidé de tout arrêter. Le jour
où, n’en pouvant plus des effets secondaires, j’ai pris LA décision. Celle que
certains penseront hâtive ou sur un coup de tête. D’autres croiront que c’est
pur folie ou que c’est un suicide déguisé. Mais cette décision, c’est la
mienne. C’est moi qui ne pouvais plus vivre cette vie. Rallonger une vie mais à
quel prix. C’est bien ça la question.
Qui suis-je pour qu’on me donne
16 000$ de médicaments par mois à vie ? Qui suis-je de plus que ceux qui
ne sont pas aussi bien né que moi? Qui suis-je pour engorger le système de
santé ? Parce que j’en vois en titi des salles d’attente. Je connais presque
chacun des étages de l’hôpital.
107$ la pilule, oui madame ! À vie !
Beau contrat… surtout quand on a plus de trace de cancer depuis plusieurs mois…
Et dire que y’a des enfants qui ne
déjeunent pas le matin.
Qui suis-je pour défier la sélection
naturelle ? Le cancer existe peut-être simplement pour faire de la place aux
suivants. 7 milliards, c’est beaucoup trop. Tsé veut dire, claire la place,
fille !
Quel exemple donne-je à mon fils ? Une
maman toujours malade, toujours fatiguée. Non merci. Je préfère mille fois
vivre moins, mais avec vie. Rester hospitalisée à la maison comme un légume (ou
presque), très peu pour moi. Ça ne me ressemble pas. Ma petite voix intérieure
me crie de laisser aller.
J’ai essayé, j’ai fait mon effort. Je
l’ai fait pour mon fils, mon amoureux, ma mère. J’ai été jusqu’au bout, mais
là, c’est plus possible. Vraiment, j’ai été au bout de moi-même. Croyez-moi.
Parce que dans le genre de me rendre plus loin que loin, chu pas pire pantoute.
Excessive ? Ben oui, ça arrive ;)
On est maintenant presque 4 mois plus
tard.
Je travaille toujours à me refaire
une santé. Morale, physique, spirituelle, émotionnelle. Sincèrement, je n’aurai
jamais cru que ça serait si long. Sti que chu poquée. Mais la bonne nouvelle,
c’est que le cancer n’est toujours pas de retour. YA-HOO !
Maintenant, il me faut apprendre avec
vivre avec cette fatigue chronique. Effet secondaire majeur et courant du
traitement contre le cancer, selon plusieurs. Mon oncologue est en désaccord
avec cet état. Pour elle, la fatigue extrême, les troubles de concentration,
les douleurs articulaires, les maux de dos et tout le reste n’a rien à voir avec le traitement. Ça aurait
dû se terminer 2 semaines après l’arrêt de la médication. Hé ben ! Une autre
divergence d’opinion à l’horizon. Le cancer a beau amener son lot de stress et
d’anxiété, c’est toujours ben pas une question d’humeur qui me ne redonne pas
mon corps d’avant. Enfin, selon mon humble avis. Mais après tout, qui suis-je
face au corps médical et ses théories ? La simple propriétaire de ce corps,
peut-être…
Faque si on résume : je veux
vivre avec ma personnalité et un minimum d’énergie la vie qu’il me reste à
vivre. Je veux montrer à mon fils qu’on peut faire des choix dans la vie. Il
faut s’écouter. Il faut agir pour que le soir, quand c’est le temps de dormir,
on s’endort tranquillement et naturellement, parce qu’on a l’esprit tranquille.
Je choisis la vie, la mienne, aussi
courte soit telle, aussi belle que possible.
Celle sans poison, celle avec du
soleil dans mes yeux, de l’énergie dans mon corps, des idées dans ma tête, de
l’amour tout autour de moi.
J’avoue que je viens de commencer à
intégrer les amphétamines à mon régime. Elles me permettent d’être un minimum
active. Et l’action, c’est la vie. Bouger, c’est la santé. Mais c’est une
histoire à suivre.
Sur ces belles paroles, je vais aller
faire un petit somme ;) parce que demain, je vis ma vie avec toute l’énergie disponible,
parce que personne ne sait, combien de temps il me reste !
Amen ou Namasté, c’est selon ;)
*j’ai vraiment pensé que j’allais en
mourir. J’ai eu la peur de ma vie.