mercredi 22 mars 2017

La culpabilité d'une maman avec un cancer


La grande question à savoir si je suis une bonne maman m’a effleurée l’esprit dans les derniers mois, mais c’est suite à une conversation avec une « amie cancer » que la réflexion s’est vraiment amorcée. On parlait d’accepter notre sort pis on s’est mise à pleurer sur nos enfants, sur comment on n’était pas des bonnes mamans. Comment on aurait mieux fait de ne pas en faire - tsé, en plein resto… bravo les filles ;) - Mais bon, c’est pas grave, avec la maladie y’a des bouttes d’orgueil qui ont disparus! Faque braillons et tant pis pour la serveuse qui ne sait plus trop où se mettre. Ça aura le mérite de relâcher les tensions.

La maternité, avec ses hauts et ses bas de plusieurs kilomètres de distance, m’a montré le pire comme le meilleur. Mon dieu que j’en ai vécu des émotions depuis que ce petit être est arrivé dans ma vie. Pas que j’en n’avais pas vécues avant, mais tout est plus intense avec un enfant. C’est comme être sur l’ecstasy, mais de l’amour et de la fatigue. En alternance. Des montagnes russes, tsé. Ça, c’est la vie normale de parents. Avoir la responsabilité totale d’un autre être m’a transformée. Et si insouciante j’étais; inquiète et coupable, je suis devenue. Bref, je suis une maman.

Pis là, tu ajoutes les facteurs stress, inquiétudes et épuisement (et ne me sortez pas la fameuse phrase : « oui, mais on est tous fatigués ». Ne-non, la fatigue du cancer, c’est comme une fatigue sur l’ecstasy (j’en parle comme si j’en avais déjà fait… c’est une image, tsé ). Est fichtrement fatigante, la fatigue. En fait, le mot fatigue n’est pas adéquat, c’est une mauvaise traduction de l’anglais. On devrait dire épuisement.) Et la culpabilité, déjà présente, prends du poids.

Suis-je une bonne mère?
En fais-je assez? Trop?
Est-il heureux? Assez stimulé? Trop?
Sera-t-il équilibré? Traumatisé?
Une maman qui disparaît à l’hôpital, ça choque, non? Il est si jeune… blablabla
Une maman qui dort plus que lui, c’est bizarre, non?
Dois-je – puis-je – en faire plus? si seulement, j’en étais capable!

Autant de questions que de situations.

Je sais bien que toutes les mamans se sentent coupables. Je ne sais pas pourquoi, l’amour inconditionnel, j’imagine. On veut le meilleur pour notre progéniture. On a donc la culpabilité facile. Je pense que je peux dire que les mamans avec le cancer, la ressente aussi. Je ne sais pas si c’est pire. On dirait qu’on se sent coupable d’être malade. Tsé comme si on n’avait pas assez de pression – genre celle de guérir. Faut qu’on se rajoute celle-là.

Peut-être à cause du côté « préventif » du cancer. Dans le sens de « as-tu vraiment TOUT fait pour éviter ça? » non? Pis t’as fait un petit pareil?? Coupable! Peut-être pas, non plus. Y’a plein de cancers et de maladies dont on ne connaît pas les causes. À moins qu’on se mette à chercher dans le psychosomatique, pis là, ben BINGO : « comment ça ?!? t’as pas réglé tes problèmes avant de faire des enfants!? Tsé veut dire. Mère indigne. »

Je me demande ce que j’offre à cet enfant. Une maman fatiguée, une maman malade, une maman impatiente, une maman qui se sauve en vacances parce qu’elle recherche le silence. Une maman qui ne peut pas lui offrir de frère ou de sœur. Une maman qui risque de mourir dans sa petite enfance.

Pis c’est là que cette réflexion amène le « si j’avais su », j’en n’aurai pas fait d’enfant. Tant qu’à lui offrir une vie de tristesse et de deuil et de « maman est fatiguée, mon chaton ». Tsé.
Et c’est cet enfant qui vient me faire un bisou, m’offre son doudou et ferme ma porte « pour ne pas me déranger ». Ça crève le cœur. De tristesse mais de fierté aussi. Qu’il est empathique, du haut de ses 4 ans.

Je sais, c’est rushant comme réflexion. Je veux le protéger. Je ne veux que son bonheur. Même si je sais tellement que la vie n’est pas que bonheur et amour. Et c’est ça qui fait que je me pose la question. Je ne veux pas qu’il souffre.

Mais qui aurait pu savoir? Le c#&@ de cancer ne s’annonce pas d’avance. Tsé.
Et on l’en remercie, égoïstement, parce que si on avait su pis qu’on n’en aurait pas fait, j’aurai manqué les câlins, les grands bonheurs du quotidiens, les ‘mamans je t’aime’, les déguisements, les jeux et les jouets qui traînent partout, les p’tits souliers dans l’entrée. Les toutous qui restent avec moi pour me tenir compagnie pendant que l’enfant va vivre sa vie de petit garçon. Et sa présence, qui malgré tout, me sauve la vie.

Et je pense à tout ceux et celles qui en auraient voulus et que la cigogne a ignoré. Et qui me lisent me plaindre le ventre plein.

Mais tout part d’une bonne intention. Je veux le meilleur pour lui. Et des fois, ben je me demande si le meilleur aurait été une autre maman. Sincèrement.

Heureusement pour moi, il n’y a pas de mère parfaite. Cancer ou pas. Je voudrais ben, mais même si j’avais tout pour être la parfaite petite maman, j’aurai des hormones qui me feraient me questionner quand même. C’est humain. C’est féminin.

Non, je ne suis pas une mauvaise mère. Pas plus que celle qui travaille et qui court après son temps. Pas pire que la dépressive qui se cherche dans sa grise de vie, pas plus que la monoparentale absente une semaine sur deux, pas plus que la maman à la maison qui fait son possible avec le sourire.

Et je suis toujours en vie. À moi de lui offrir mon meilleur pour le temps qu’il reste, une heure à la fois. Et il deviendra un enfant sensible à autrui, empathique. Ça fera déjà ça de pris!

Le mieux que je puisse faire, c’est d’être une maman heureuse. Peut-être pas à tous les instants, mais une maman heureuse sera toujours mieux qu’une maman qui se sent coupable. Et s’il faut que je parte me ressourcer régulièrement, en bien, ressourcement, il y aura! Non, je ne suis pas une mauvaise mère. Parce que je suis la sienne. La seule qu’il a. Pour le temps que ça durera. Et perdre ce temps précieux en culpabilité, c’est vraiment pas nécessaire.


Après tout, c’est bien connu : « être un parent, c’est faire ce qu’on peut, pas ce qu’on veut. » Cancer ou pas.

Crédit photo : Geneviève Boucher

2 commentaires:

  1. Merci de m'avoir partagé ce blog. Touchant. Émerveillant. Cette vulnérabilité est une belle force. Je te souhaite de pouvoir continuer à vivre le moment présent. De pouvoir vivre, dormir, se ressourcer, s'absenter. Plein d'amour à ta famille. Pas de culpabilité!

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  2. Merci de m'avoir lue et d'avoir pris le temps de commenter. :)

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