La
grande question à savoir si je suis une bonne maman m’a effleurée
l’esprit dans les derniers mois, mais c’est suite à une
conversation avec une « amie cancer » que la réflexion
s’est vraiment amorcée. On parlait d’accepter notre sort pis on
s’est mise à pleurer sur nos enfants, sur comment on n’était
pas des bonnes mamans. Comment on aurait mieux fait de ne pas en
faire - tsé, en plein resto… bravo les filles ;) -
Mais bon, c’est pas grave, avec la maladie y’a des bouttes
d’orgueil qui ont disparus! Faque braillons et tant pis pour la
serveuse qui ne sait plus trop où se mettre. Ça aura le mérite de
relâcher les tensions.
La
maternité, avec ses hauts et ses bas de plusieurs kilomètres de
distance, m’a montré le pire comme le meilleur. Mon dieu que j’en
ai vécu des émotions depuis que ce petit être est arrivé dans ma
vie. Pas que j’en n’avais pas vécues avant, mais tout est plus
intense avec un enfant. C’est comme être sur l’ecstasy,
mais de l’amour et de la fatigue. En alternance. Des montagnes
russes, tsé. Ça, c’est la vie normale de parents. Avoir la
responsabilité totale d’un autre être m’a transformée. Et si
insouciante j’étais; inquiète et coupable, je suis devenue. Bref,
je suis une maman.
Pis
là, tu ajoutes les facteurs stress, inquiétudes et épuisement (et
ne me sortez pas la fameuse phrase : « oui, mais on est
tous fatigués ». Ne-non, la fatigue du cancer, c’est comme
une fatigue sur l’ecstasy
(j’en
parle comme si j’en avais déjà fait… c’est une image, tsé ). Est fichtrement fatigante, la
fatigue. En fait, le mot fatigue n’est pas adéquat, c’est une
mauvaise traduction de l’anglais. On devrait dire épuisement.) Et
la culpabilité, déjà présente, prends du poids.
Suis-je
une bonne mère?
En
fais-je assez? Trop?
Est-il
heureux? Assez stimulé? Trop?
Sera-t-il
équilibré? Traumatisé?
Une
maman qui disparaît à l’hôpital, ça choque, non? Il est si
jeune… blablabla
Une
maman qui dort plus que lui, c’est bizarre, non?
Dois-je
– puis-je – en faire plus? si seulement, j’en étais
capable!
Autant
de questions que de situations.
Je
sais bien que toutes les mamans se sentent coupables. Je ne sais pas
pourquoi, l’amour inconditionnel, j’imagine. On veut le meilleur
pour notre progéniture. On a donc la culpabilité facile. Je pense
que je peux dire que les mamans avec le cancer, la ressente aussi. Je
ne sais pas si c’est pire. On dirait qu’on se sent coupable
d’être malade. Tsé comme si on n’avait pas assez de pression –
genre celle de guérir. Faut qu’on se rajoute celle-là.
Peut-être
à cause du côté « préventif » du cancer. Dans le sens
de « as-tu vraiment TOUT fait pour éviter ça? » non?
Pis t’as fait un petit pareil?? Coupable! Peut-être pas, non plus.
Y’a plein de cancers et de maladies dont on ne connaît pas les
causes. À moins qu’on se mette à chercher dans le
psychosomatique, pis là, ben BINGO : « comment ça ?!?
t’as pas réglé tes problèmes avant de faire des enfants!? Tsé
veut dire. Mère indigne. »
Je
me demande ce que j’offre à cet enfant. Une maman fatiguée, une
maman malade, une maman impatiente, une maman qui se sauve en
vacances parce qu’elle recherche le silence. Une maman qui ne peut
pas lui offrir de frère ou de sœur. Une maman qui risque de
mourir dans sa petite enfance.
Pis
c’est là que cette réflexion amène le « si j’avais su »,
j’en n’aurai pas fait d’enfant. Tant qu’à lui offrir une vie
de tristesse et de deuil et de « maman est fatiguée, mon
chaton ». Tsé.
Et
c’est cet enfant qui vient me faire un bisou, m’offre son doudou
et ferme ma porte « pour ne pas me déranger ». Ça crève
le cœur. De tristesse mais de fierté aussi. Qu’il est empathique,
du haut de ses 4 ans.
Je
sais, c’est rushant comme réflexion. Je veux le protéger. Je ne
veux que son bonheur. Même si je sais tellement que la vie n’est
pas que bonheur et amour. Et c’est ça qui fait que je me pose la
question. Je ne veux pas qu’il souffre.
Mais
qui aurait pu savoir? Le c#&@ de cancer ne s’annonce pas
d’avance. Tsé.
Et
on l’en remercie, égoïstement, parce que si on avait su pis qu’on
n’en aurait pas fait, j’aurai manqué les câlins, les grands
bonheurs du quotidiens, les ‘mamans je t’aime’, les
déguisements, les jeux et les jouets qui traînent partout, les
p’tits souliers dans l’entrée. Les toutous qui restent avec moi
pour me tenir compagnie pendant que l’enfant va vivre sa vie de
petit garçon. Et sa présence, qui malgré tout, me sauve la vie.
Et
je pense à tout ceux et celles qui en auraient voulus et que la
cigogne a ignoré. Et qui me lisent me plaindre le ventre plein.
Mais
tout part d’une bonne intention. Je veux le meilleur pour lui. Et
des fois, ben je me demande si le meilleur aurait été une autre
maman. Sincèrement.
Heureusement
pour moi, il n’y a pas de mère parfaite. Cancer ou pas. Je
voudrais ben, mais même si j’avais tout pour être la parfaite
petite maman, j’aurai des hormones qui me feraient me questionner
quand même. C’est humain. C’est féminin.
Non,
je ne suis pas une mauvaise mère. Pas plus que celle qui travaille
et qui court après son temps. Pas pire que la dépressive qui se
cherche dans sa grise de vie, pas plus que la monoparentale absente
une semaine sur deux, pas plus que la maman à la maison qui fait son
possible avec le sourire.
Et
je suis toujours en vie. À moi de lui offrir mon meilleur pour le
temps qu’il reste, une heure à la fois. Et il deviendra un enfant
sensible à autrui, empathique. Ça fera déjà ça de pris!
Le
mieux que je puisse faire, c’est d’être une maman heureuse.
Peut-être pas à tous les instants, mais une maman heureuse sera
toujours mieux qu’une maman qui se sent coupable. Et s’il faut
que je parte me ressourcer régulièrement, en bien, ressourcement,
il y aura! Non, je ne suis pas une mauvaise mère. Parce que je suis
la sienne. La seule qu’il a. Pour le temps que ça durera. Et
perdre ce temps précieux en culpabilité, c’est vraiment pas
nécessaire.
Après
tout, c’est bien connu : « être un parent, c’est
faire ce qu’on peut, pas ce qu’on veut. » Cancer ou pas.
Crédit photo : Geneviève Boucher |